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Il était une fois

Dernière mise à jour : 10 sept.

Il était une fois...

J'aime bien les histoires qui commencent par « il était une fois ». Cela me fait penser aux contes de fée. Et les contes de fée, cela finit toujours bien.


A la différence de mes héroïnes de Disney préférées, mon histoire ne commence pas par la perte d'un être cher, un emprisonnement ou un mauvais sort. Au contraire, je me sens épanouie dans ma vie. A 35 ans, j'ai tout pour être heureuse.


J'habite dans la banlieue de Paris. Un bel appartement lumineux et au calme. J'ai une fille de 6 ans, Maëlle. Elle est merveilleuse. Elle est arrivée à cet âge où elle s'émerveille de tout. Elle est curieuse, souriante et pleine de vie. C'est ma princesse.


Je vis seule depuis mon divorce, il y a 4 ans. Mathieu et moi c'était... comment vous dire... un conte de fée. En tout cas, notre histoire a commencé comme cela. Nous nous sommes rencontrés en primaire et nous sommes devenus inséparables. C'était mon meilleur ami, mon compagnon de jeu, mon confident. Au début, c'était comme un frère. Petit à petit, l'amitié a fait place à l'amour. Nous étions passionnés. Fous de nous. C'était l'homme de ma vie et j'étais la femme de la sienne. Devant l'autel, avec ma robe blanche, les yeux dans les siens, j'étais convaincue que rien ne pourrait nous arriver. Que nous deux se serait pour toujours, que nous viverions heureux et aurions beaucoup d'enfants. Le conte de fée a duré quelques années. Et puis... sans trop savoir comment, sans trop savoir pourquoi, l'amour s'est peu à peu transformé. Nous vivions l'un à côté de l'autre sans nous voir, sans nous écouter, sans nous toucher. Lassitude, non-dit, rancoeur, indifférence nous ont mené sur le chemin de la colère. Je me suis toujours demandé comment un amour aussi passionné et fusionnel que le nôtre avait pu se transformer en haine, en violence et en dégoût de l'autre.


Bref, après des disputes, des déchirements, le divorce a été prononcé. Depuis, nous ne nous adressons plus la parole. C'est à peine si nous arrivons à nous voir, à nous regarder dans les yeux. Il a refait sa vie. Moi aussi. Les seuls contacts que nous avons sont lorsque nous « échangeons » Maëlle une semaine sur deux.


Il m'a fallu du temps pour me remettre de cette rupture. Il m'a fallu du temps pour faire à nouveau confiance. Il m'a fallu du temps pour ne plus considérer tous les hommes comme des monstres. Il m'a fallu du temps pour accepter d'ouvrir à nouveau mon coeur.


J'ai pu faire ce chemin grâce à Olivier. Nous nous sommes rencontrés à l'anniversaire d'une amie commune. Je n'avais pas envie d'y aller. J'étais déprimée, mal dans ma peau, fatiguée. Ma seule envie était de me vautrée dans le canapé devant une série à l'eau de rose. Je me suis forcée à y aller. Il a suffit d'un seul regard. Ses magnifiques yeux verts ont fait tombés toutes mes résistances. Nous avons dansé toute la nuit. Cela fait maintenant un an que nous sommes ensemble et que nous filons le parfait amour et Maëlle l'adore. Bien qu'il soit souvent à la maison, nous ne vivons pas ensemble. J'ai peur de passer le cap. Je sens que cela le rend triste mais il respecte mon choix et est patient.


Niveau professionnel, je suis sous-directrice d'une grosse boite parisienne. J'aime mon métier. Je suis sûre de moi. Mes employeurs me font entièrement confiance. J'ai beaucoup d'autonomie et je me suis entourée de gens compétents avec qui j'ai plaisir à travailler. Je suis respectée et reconnue. Et puis, le salaire en vaut la peine.


« Ma vie est parfaite. » C'est ce que je me dis en me regardant dans le miroir ce soir là. Nous sommes le 13 novembre 2015.


Je termine de me préparer. J'ai rendez-vous avec Elisa, ma meilleure amie. Nous allons voir un concert ensemble. Olivier reste à la maison pour garder Maëlle. Il me regarde me préparer. Il me prend dans ses bras, m'enlace, m'embrasse.

« Reste avec moi ce soir ». « J'ai envie de toi. »

Il me porte jusqu'à la chambre et me couche sur le lit. Il m'embrasse. Me caresse. Difficile de résister.


Un coup de klaxon. J'entends la voix d'Elisa dans la rue.

« Qu'est ce que tu fous ? Dêpeche ! On va être en retard ! »

Je me dégage de l'étreinte de mon prince charmant et telle Cendrillon, je file dans le carosse de mon amie.


Nous arrivons juste à temps. Le concert ne tarde pas à commencer. Soudain, des bruits sourds. Le temps s'arrête. Je ne comprends pas tout de suite ce qu'il se passe. Les bruits recommencent. Je vois les gens autour de moi s'affoler, crier, courir dans tous les sens. La scène semble se déroulée à la fois très vite et à la fois au ralenti. Je ne sais pas comment, je me retrouve allongée au sol, entre les rangées de siège. Je tourne ma tête vers mon amie Elisa. Je vois son corps étendu. Un trou au milieu du front. Ses yeux sans vie me regardent. La tristesse m'envahie. J'ai envie de hurler, de pleurer, de la prendre dans ma bras. J'en suis incapable. Je suis tétanisée. Mon corps tremble, j'ai froid, j'ai peur. Je ferme les yeux pour ne plus voir la panique autour de moi. Je me bouche les oreilles pour ne plus entendre les coups de feu et les cris. Ne plus trembler, ne plus bouger, ne plus respirer.


Comment en suis-je arrivée là ? Je pense à Maëlle, à Olivier. Et si je n'étais pas partie. Si j'avais succombé aux caresses de mon amoureux. Et si... A ce moment, je pense à la chanson « Encore un soir » de Céline Dion qui passait à la radio ce matin. Comme une prophétie.

« Encore un soir. Encore une heure. Encore une larme de bonheur. ». Je prie.

« Oui, Seigneur, s'il vous plait, accordez-moi encore un soir. Je ne veux pas mourir. Pas comme ça. Pas maintenant. ».


Je pense à toutes les choses que je n'ai pas faites. Je pense à toutes les choses que je ferai si je m'en sors. J'irai chez Mathieu, le prendre dans mes bras, lui dire pardon. J'emmenerai Olivier faire le tour du monde et je lui demanderai de vivre avec moi. J'irai voir mes parents. Je les serrerai fort dans mes bras et je leur diraique je les aime. Je téléphonerai à ma soeur qui habite en Australie pour prendre des nouvelles. Si je m'en sors, je... Je ne sais pas combien de temps je reste-là à prier, à esperer. Cela me semble une éternité.


Je finis par ouvrir les yeux. Je tourne lentement ma tête pour regarder autour de moi. Plus rien ne bouge. Tout est calme. Les cris ont fait place à un silence lourd et pesant. A quelques mètres de moi, la sortie de secours. Et si... J'essaye de mettre mon corps en mouvement. Je ne le sens plus. Il est raide, figé, immobile. Je regarde à nouveau l'issue de secours. Je pense à Maëlle, à Olivier. Mes bras et mes jambes commencent à bouger. Je me mets à ramper. Petit à petit je me rapproche. Je ne suis plus très loin. Je commence à percevoir des voix, les sirènes de police. « Maëlle, Olivier, je serai bientôt près de vous ».


Soudain, un bruit, suivi par une douleur dans la poitrine. Une odeur de chairs brûlées. Un liquide chaud qui coule. Une sensation de chaleur puis de froid. Un voile noir devant les yeux et puis le vide.


Aline Lourtie

08/06/2023


Ecriture du Coeur du 25/06/2023

Thème « Comment en suis-je arrivée là ? »


Une rose blanche tâchée de sang

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